Visite du grand sanctuaire Izumo Taisha, une promenade en terre des dieux
Il est assez facile de faire des erreurs lorsqu’on visite un sanctuaire. Par exemple, marcher sans faire attention en plein milieu du torii, cette grande porte qui donne accès au sanctuaire, c’est faire offense aux dieux shinto. C’est l’erreur que j’ai commise lors de ma visite au grand sanctuaire Izumo Taisha, et c’était d’autant plus embarrassant que je portais pour l’occasion un kimono.
Si l’on en croit la mythologie shinto, son panthéon se déplace de tout le Japon pour se rassembler à Izumo chaque année vers la fin de l’automne. Voilà qui peut en effet divinement encombrer l’accès au sanctuaire.
Que signifie « Izumo » ?
Les caractères chinois qui composent le nom d’Izumo signifient littéralement « où sortent les nuages », ce qui ne manque pas d’évoquer l’image d’un endroit où la frontière entre le visible et l’invisible devient floue. En effet, une visite dans ce sanctuaire vous donnera l’impression d’être partout à la fois, d’un parc de ville très bien entretenu, à une forêt à l’ambiance et à la faune mythiques.
Ce n’est pas (encore) une ville aussi connue que d’autres métropoles japonaises, mais Izumo Taisha a quelque chose de plus primitif. Visiter cet endroit vous permettra de vous familiariser avec la mythologie et les anciennes coutumes du Japon, loin des foules de touristes de Kyoto ou Nara. Et on dirait bien que même les dieux sont d’accord !
Vos premières impressions d’Izumo Taisha seront probablement son ambiance très nature et son torii, le grand portique annonçant l’accès au sanctuaire.
La porte est une immense structure en cuivre, dans un ton plutôt sombre rappelant la forêt, plutôt que l’habituel rouge-orange de beaucoup de sanctuaires shinto. Ce sera également le cas pour les bâtiments du sanctuaire, qui arborent la couleur sobre de leur matériau de construction, le cyprès du Japon (hinoki). L’ensemble se fond harmonieusement avec les pins alentour.
Après avoir franchi ce premier portique, vous allez continuer sur un sentier de béton au milieu des arbres. Certains des pins sont plus hauts que la porte shinto, et leurs longues et fines aiguilles semblent filtrer le son et la lumière pour envelopper le visiteur dans un cocon de silence. Dans le shintoïsme les arbres sont sacrés, il est même dit qu’en couper certains pourrait porter malheur. Cet endroit a pourtant trouvé le moyen d’être bien propre et ordonné comme un petit parc de ville, tout en respectant la présence de ces arbres clairement très anciens et révérés.
Ai-je déjà dit que je portais un véritable kimono lors de ma visite ?
A cinq minutes à pied du sanctuaire Izumo Taisha se trouve la boutique Go-En Style, où j’ai pu louer un kimono d’un magnifique violet pour l’occasion. Ce n’était pas la première fois que j’en mettais un, mais c’était sans aucun doute le plus confortable ! Je pense que cela reflète bien l’habileté avec laquelle le personnel du magasin a su m’aider à m’habiller. Pensez à marcher doucement et à faire de petits pas lorsque vous êtes en kimono, ceci afin qu’il reste bien en place. Être en kimono lors d’une visite au sanctuaire est non seulement une expérience culturelle particulière, mais cela vous force aussi à ralentir votre rythme et à profiter pleinement de ces instants.
Bref, revenons-en à notre promenade dans le sanctuaire et au chemin menant au honden.
Le honden justement, le bâtiment principal où réside la divinité a été classé Trésor national du Japon en 1952. Avec ses 24 mètres de hauteur il s’agit du plus grand sanctuaire du pays, mais il est aussi, avec celui d’Ise, un des plus importants. En effet, la divinité du sanctuaire, Okuninushi no Okami, joue un rôle primordial dans les mythes de la fondation du pays, et plusieurs endroits dans le département de Shimane (dont Izumo Taisha) sont mentionnés dans les légendes d’anciens textes historiques (pour plus d’informations rendez-vous dans les pages concernant l’Histoire d’Izumo).
Une autre particularité de ce sanctuaire est l’immense corde sacrée shimenawa, qui se trouve suspendue au bâtiment appelé kaguraden, littéralement « le pavillon des danses » (c’est notamment dans ce bâtiment que l’on célèbre les mariages).
Cette corde sacrée est la plus grande de tout le Japon, elle pèse plus de 5 tonnes et fait peau neuve environ tous les 6 ans (dernier remplacement effectué à l’été 2018).
Elle est sensée refléter l’importance du dieu vénéré dans le sanctuaire, Okuninushi, qui est le dieu des rencontres.
Le mot japonais est en-musubi et l’on peut le traduire littéralement par « nouer des liens ». Cela fait d’Izumo Taisha un lieu très populaire auprès des personnes célibataires, qui viennent de tout le Japon prier pour que ce dieu les aide à trouver l’âme sœur.
Les pouvoirs d’Okuninushi ne se limitent cependant pas à l’amour, et il est commun que des personnes viennent également prier pour pouvoir nouer de bonnes relations en général, que ce soit par exemple avec les collègues de travail ou la belle-famille.
Si vous êtes intéressé pour en apprendre davantage sur Izumo Taisha, je vous recommande la visite guidée socho-sampai. Il s’agit d’une visite qui a lieu tôt le matin, avec une option de petit déjeuner. Cette visite guidée n’est proposée que les samedis et dimanches matins et une inscription est requise préalablement.
Cette visite matinale démarre à partir du torii de la place Seidamari (le portique de l’entrée du sanctuaire), de là vous suivrez l’allée de pins qui mène jusqu’au sanctuaire pendant que le guide vous racontera l’histoire des lieux et vous indiquera la marche à suivre si vous souhaitez vous essayer à une prière.
C’est aussi l’occasion de découvrir toutes les petites histoires intéressantes qui tournent autour d’Izumo Taisha. Seules des visites en anglais et en japonais sont disponibles à l’heure actuelle, mais au cas où je vous recommande tout de même de prendre contact avec l’association de tourisme d’Izumo pour plus d’informations.
J’ai en tout cas beaucoup apprécié cette visite tôt le matin. Elle nous a permis de profiter du calme du sanctuaire avant que les visiteurs ne commencent à arriver, et grâce aux explications du guide j’ai pu mieux appréhender l’histoire des lieux et mettre fin à certaines interrogations. Sans parler du fait de ne pas savoir lire le japonais, qui n’a jamais visité un sanctuaire ou un temple sans se demander s’il y avait une explication à la présence de tel objet ou tel bâtiment ? Les visites n’ont pas lieu certains samedis et dimanches, pour savoir lesquels prenez contact avec l’association de tourisme d’Izumo.
Izumo Tourism Association (Association de tourisme d’Izumo)
Tarif de la visite guidée : à partir de 600 yens et jusqu’à 1600 yens (en fonction de l’option que vous choisissez)
Si vous souhaitez en profiter pour adresser une prière aux dieux, voici la marche à suivre :
Les visiteurs étrangers sont évidemment les bienvenus s’ils veulent prier dans un sanctuaire shinto, mais si vous savez comment vous y prendre, c’est encore mieux. Inclinez vous légèrement lorsque vous vous apprêtez à franchir une porte torii et gardez à l’esprit qu’il vaut mieux avancer sur les côtés du chemin plutôt qu’en plein milieu. Marcher en plein milieu du portique et du chemin menant au sanctuaire serait en effet réservé aux dieux.
Sur la voie qui conduit au sanctuaire vous allez rencontrer un petit abri avec un bassin rempli d’eau (en japonais, temizuya), c’est là que vous devez vous purifier avant de vous approcher davantage.
La première chose à faire est de s’incliner légèrement devant le temizuya. Une fois que c’est fait, remplissez une des louches mises à disposition et versez de l’eau sur votre main gauche, puis sur votre main droite. Ensuite, il faut purifier votre bouche. Prenez la louche dans la main droite, versez un fond d’eau dans votre main gauche et rincez votre bouche avec. Ne portez pas la louche directement à votre bouche et ne recrachez pas l’eau dans le bassin ! Pour terminer, tenez la louche à la verticale de façon à ce que le restant d’eau vienne s’écouler le long du manche. Ainsi, vous purifiez la louche pour la personne suivante. Vous pouvez vous sécher les mains à l’aide d’un mouchoir ou d’une petite serviette si vous en avez sur vous. Enfin, on s’incline légèrement devant le temizuya avant de repartir.
Vous voilà finalement devant le sanctuaire, prêt à rendre hommage au dieu local. A Izumo Taisha la coutume diffère un peu de tous les autres sanctuaires du Japon. Ici, au lieu de taper deux fois dans vos mains au moment de prier, vous devrez taper quatre fois dans vos mains ! Mais reprenons le processus depuis le début. D’abord, jetez précautionneusement une pièce dans l’urne à offrandes en face de vous. Le montant n’a pas d’importance, rien ne dit que vos vœux se réaliseront si vous décidez d’y jeter une pièce de 500 yens. D’ailleurs, beaucoup de Japonais utilisent en général une pièce de 5 yens, car ils pensent ainsi augmenter leurs chances de trouver l’âme sœur. En effet, la prononciation en japonais pour cinq yens, « go-en », est homophone au mot désignant « le destin, le lien ». Ensuite, inclinez-vous deux fois (environ 90 degrés). Tapez quatre fois dans vos mains (main gauche légèrement plus haute), faites votre vœu et inclinez-vous une dernière fois.
Après avoir salué le dieu vous pouvez faire un tour au stand d’amulettes qui se trouve à côté du sancturaire principal. Il y a des amulettes pour un bon mariage, pour un accouchement sans difficultés, pour réussir des études ou encore pour éviter les accidents de circulation. Tous ces porte-bonheurs coûtent en général entre 500 et 1000 yens, et font de beaux souvenirs en soi que l’on soit croyant ou non.
Maintenant j’aimerais vous parler un peu du fameux Kamiarizuki, « le mois des dieux », et de l’endroit où ils séjournent.
Selon la mythologie shinto, les dieux se rassemblent tous les ans ici, vers la fin de l’automne, afin de décider de nos destins et de nos rencontres pour l’année suivante. A Izumo on appelle ce moment Kamiarizuki, « le mois des dieux », mais dans le reste du Japon on l’appelle Kannazuki, « le mois sans dieux ».
Il y a même à Izumo Taisha des bâtiments prévus spécialement pour tous ces dieux quand ils se rendent ici pour leur séjour annuel. Malheureusement, il n’est pas possible pour nous, simples mortels, de jeter un oeil à l’intérieur de ces dortoirs divins. Vous verrez en revanche un petit panneau avec un QR code que les détenteurs de smartphone relié à Internet pourront scanner pour plus d’explications, disponibles en anglais, chinois ou coréen. A vrai dire, d’autres pancartes proposant de scanner un QR code se trouvent aussi à d’autres endroits clés du sanctuaire, mais les informations que l’on peut y lire sont pour l’instant assez limitées.
Saviez-vous qu’Izumo a la réputation d’être habitée par une sorte d’énergie spirituelle ?
Ce rôle de « power spot », un endroit avec une forte énergie spirituelle ou une connection particulière à la nature, a peut-être joué dans le fait qu’Izumo Taisha est devenu une fois par an le repaire de tous les dieux shinto. Si vous vous aventurez derrière le sanctuaire principal, vous trouverez un sanctuaire plus petit, Soga no Yashiro, qui abrite le dieu des mers et des tempêtes, Susanoo no Mikoto. En fonction des légendes, ce dernier serait le père ou le beau-père d’Okuninushi. En vous glissant derrière ce sanctuaire, vous pourrez toucher le rocher censé concentrer cette fameuse énergie spirituelle.
Izumo ne se limite bien sûr pas à son célèbre sanctuaire, et voici quelques autres sites intéressants à visiter dans les environs d’Izumo Taisha.
Non loin de là se trouve aussi Inochinushi no Yashiro, un petit sanctuaire bien à l’abri des regards dans un charmant quartier résidentiel. Comme figé dans le temps, un arbre millénaire veille sur ce lieu à la fois paisible et curieux. Difficile d’imaginer tout ce dont cet arbre a pu être témoin !
Si après toute cette visite vous avez envie de vous recharger les batteries, la fin d’après-midi sera le moment propice pour vous rendre sur la plage Inasa no Hama afin d’admirer tranquillement le coucher du soleil. A moitié dans les vagues et à moitié sur la plage, un énorme rocher abritant à son sommet un sanctuaire agrémente ce paysage où touristes et locaux viennent profiter de la vue.
Pour conclure sur une note relaxante, Izumo dispose également de sources thermales naturelles.
Vous pouvez vous relaxer dans l’une d’entre elles à l’hôtel Inishie no Yado Keiun. Là, on vous prêtera un yukata, un léger kimono de coton pour vous déplacer dans l’hôtel, profiter de cette ambiance japonaise, déguster un bon thé et aller détendre vos muscles dans un des bains à disposition des clients.
Si vous comptez passer la nuit ici, les chambres proposées sont un mélange réussi entre Orient et Occident, avec de beaux tatamis et de luxueux lits bien confortables. Tout ce qu’il faut pour récupérer de sa journée de visites et se remettre en forme pour la suite !
Certains d’entre nous sont plus sensibles que d’autres à tout ce qui est mystique et se laissent facilement prendre au jeu. Il me faut pourtant admettre que le jour où j’ai visité Izumo Taisha était un de ces jours étranges, où le soleil et la pluie semblaient décidés à en découdre.
Fallait-il y voir la déesse du soleil Amaterasu en train de se chamailler avec l’un de ses frères ? Que ce soit l’œuvre des dieux ou non, ce temps a fini par donner lieu à deux magnifiques arc-en-ciels qui ne laissaient personne indifférent dans la rue : des visiteurs de passage jusqu’au personnel des magasins, tous ce sont arrêtés pour admirer ce rare spectacle et je ne suis pas prête d’oublier ça.
Mes conseils en bref :
Izumo Taisha et ses environs doivent absolument figurer sur votre liste de sanctuaires à visiter si votre périple vous mène jusque dans le Sud-Ouest du Japon (île de Honshu). Gardez à l’esprit le respect qu’il faut accorder à tout lieu de culte et la façon dont on visite un sanctuaire shinto. Donnez à cette visite le temps et l’attention nécessaire pour en profiter pleinement et peut-être parviendrez-vous à toucher ce qu’il y a de divin à Izumo ?