Promenade dans Sagiura, le port où l’on attend que le bon vent se lève.
Tout en profitant des bienfaits naturels de la mer et des montagnes et en vous imprégnant de l’atmosphère relaxante dégagée par ses rues pittoresques et ses habitants qui y coulents des jours paisibles, ne manquez pas les nombreux endroits à découvrir à Sagiura. Parmi ces derniers, les anciennes maisons évoquant avec nostalgie une époque du passé, les agences maritimes dont les noms ont perduré de génération en génération ainsi que le sanctuaire Inasehagi, une annexe du sanctuaire Izumo Taisha, sont autant de lieux à ne pas rater.
Le port de Sagiura
Le port naturel de Sagiura, un havre bien abrité sur une côte souvent battue par des bourrasques et des vagues violentes, a attiré des habitants depuis des milliers d’années. Ce bras de mer profond, encadré de falaises et avec une embouchure étroite, offre une protection contre le vent, tandis que l’île Kashiwajima, montant la garde à l’entrée du port, fait office de brise-lames naturel.
Vers le milieu de l’époque d’Edo (1603-1867), le Japon connaît une situation prospère. Les vaisseaux marchands de Kyoto et Osaka naviguaient sur la Mer du Japon, apportant avec eux affaires et richesse dans tous les ports qui les accueillaient le long de la côte ouest de l’île principale. Sagiura profitait de tout cela, et proposait commerce de gros, hébergement et ancrage en lieu sûr à tous les marins qui attendaient le retour de vents favorables dans son port. Des points d’amarrage sont encore clairement observables, taillés dans la roche le long du front de mer dans la partie ouest du village. Certains rochers ont été évidés pour former des trous et accueillir des cordes d’ancrage.
Durant les ères Meiji (1868-1912) et Taishō (1912-1926), Sagiura était régulièrement visitée par des vaisseaux marchands d’Osaka. Des bateaux transportant du riz du Tōhoku, du hareng du Pacifique et du laminaire de Hokkaïdō aidaient grandement à faire tourner les affaires. Au pic de la prospérité du village, vers 1888, un agent de transport maritime pouvait gérer plus de 100 bateaux par an.
Aujourd’hui, la pêche est la principale activité des habitants de Sagiura. Et le port du village demeure crucial pour l’industrie halieutique locale. Les eaux de la péninsule de Shimané fournissent des prises d’excellente qualité, dont la sériole du Japon, le grondeur à trois lignes, le thazard oriental, le calmar et la plie. Quelques pêcheurs locaux offrent des visites en bateau de cette côte en dents de scie. Cavités creusées par la mer, grottes et petites îles aux formes fantaisistes ponctuent cette côte aux falaises escarpées, dont les plus beaux endroits sont accessibles uniquement par bateau.
Entre novembre et juillet, les visiteurs pourront très probablement observer dans le port des volées de goélands à queue noire. Ces goélands reviennent chaque année à Shimané pour leur saison des amours. Ils peuvent être reconnus grâce à leur cri particulier, qui ressemble au miaulement du chat, d’où leur nom en japonais : umineko, « le chat de mer ».
Niché au pied des collines au sud-ouest de Sagiura, le sanctuaire Inasehagi Jinja possède une histoire riche et longue. La divinité principale de ce sanctuaire, Inasehagi, fait son apparition dans la création des mythes du Japon, et ce sanctuaire est mentionné dans le recueil historique le plus ancien de la région : Izumo no kuni fudoki (733).
Inasehagi Jinja est un sanctuaire auxiliare du grand sanctuaire Izumo Taisha. Les deux sont liés dans une célèbre légende. Inasehagi a contribué à l’accord mythologique consistant au transfert des terres du dieu Ōkuninushi, divinité principale d’Izumo Taisha, à la déesse du soleil Amaterasu et ses descendants. C’est pour cette raison qu’Ōkuninushi, sous le nom de Yachihoko, est l’une des autres divinités vénérées à Inasehagi. De plus, on dit que la lignée de prêtres du grand sanctuaire Izumo Taisha descendrait du père d’Inasehagi, le dieu Amenohohi.
Les liens entre Izumo Taisha et Inasehagi Jinja se reflètent dans beaucoup de détails structurels de ce sanctuaire auxiliaire. Notamment les postures des komainu, statues de gardiens ressemblant à des lions à l’entrée, qui sont typiques des sanctuaires associés à Izumo. Le sanctuaire principal d’Inasehagi est, tout comme celui d’Izumo, fait de bois brut, construit sur piliers et entouré d’une barrière. Tous les 60 ans, Izumo Taisha entre dans une période de rénovation (sengū), durant laquelle Inasehagi Jinja est également rénové. En 1744, un surplus de matériel issu de la rénovation d’Izumo Taisha fut utilisé pour réparer Inasegahi Jinja, renforçant un peu plus le lien entre les deux sanctuaires.
Le dieu Inasehagi est réputé pour protéger de la variole, garder sur soi une pierre provenant de ce sanctuaire aiderait à éloigner la maladie. Des archives indiquent que l’empereur Momozono (1741-1762) offrit deux lanternes en papier décorées du symbole impérial, le sceau du chrysanthème, en remerciement après que ses deux fils eurent guéri de la variole. Le festival annuel d’Inasehagi Jinja a lieu le 8 octobre.
Bordée de cerisiers, cette jolie rivière longe le sanctuaire Inasehagi Jinja et plonge dans le port de Sagiura. Son eau cristaline est l’habitat idéal de l’un des meilleurs chanteurs de la nature environnante : la grenouille kajika (buergeria buergeri). Endémique du Japon, où on la trouve dans des cours d’eau limpides, son corps plat est tacheté de gris et de marron. Elle est surnomée la diva des ruisseaux. Entre avril et août, les mâles prennent place sur les rochers de Yachiyogawa et attirent leurs partenaires avec un coassement délicat
Chaque année, à la fin du mois de mai, les habitants de Sagiura organisent un petit rassemblement à la nuit tombée pour célébrer la sérénade des amphibiens. Des bougies de bambou sont placées sur les bords de la rivière sur 30 à 40 mètres, où les familles viennent admirer les lucioles et écouter le chant des grenouilles.
La promenade de Sagiura est un chemin de 2,5 kilomètres de long qui débute à l’ouest de la ville en bord de mer. Le parcours serpente le long des sommets des collines à l’ouest surplombant le port, offrant au passage un beau panorama du littoral. A mi-chemin environ, une autre route apparaît et mène à la crique Umenada, parfaite pour une pause baignade. La route principale continue jusqu’au phare de Sagiura, avec vue sur les grottes et petites îles aux formes complexes qui ponctuent le paysage côtier. La falaise sur laquelle se situe le phare renferme l’une des plus grandes grottes maritimes de la région.
En plus du cyprès du Japon, une large variété d’arbres et d’arbustes pousse le long de ce parcours, incluant notamment fraise chinoise, châtaignier, arbre de tung et camélia du Japon. Chevreuils et sangliers font partie de la faune qui peut être aperçue dans les environs.
L’île de Kashiwajima et le festival Gongen
L’île escarpée de Kashiwajima se dresse au dessus des vagues à l’entrée du port de Sagiura. Un brise-lames naturel, qui a longtemps été vénéré pour son rôle crucial dans la protection du port. Au sommet de la pente rocailleuse de l’île, accessible grâce à des escaliers creusés sur la paroi de la falaise, le sanctuaire Kashiwa Jinja est niché sous un rocher en surplomb. Ce sanctuaire est dédié à l’indiscipliné dieu de la mer, Susanoo, et au patron des pêcheurs, Ebisu.
Le 31 juillet de chaque année, au moment du coucher du soleil, les habitants de Sagiura célèbrent le festival gongen matsuri. Un prêtre shinto organise un rituel d’invocation et les habitants montent à bord des bateaux. A l’occasion du festival, les embarcations sont décorées à l’aide de lanternes et tairyōbata, drapeaux célébrant une pêche particulièrement bonne. Les bateaux forment alors une procession, encerclant Kashiwajima, pendant que les personnes à bord prient pour leur sécurité en mer et de bonnes pêches pour l’année à venir.
Les rues de Sagiura
Le village de Sagiura tout entier rappelle la vie d’une autre époque. Les maisons arborent des éléments architecturaux traditionnels et les rues, dont la plupart sont trop étroites pour laisser passer une voiture, sont restées pratiquement telles qu’elles étaient à la fin du 19e, début du 20e siècle. Depuis la butte sur la bordure à l’est de la ville, les toits de tuiles rouges de Sagiura semblent s’agglutiner entre les collines protectrices et le port. Non loin de cette butte se trouve un petit tunnel à flanc de coteau. Construit en 1933, il relie Sagiura au quartier d’Udo. A gauche de l’entrée du tunnel sont placés un monument de pierre et un petit autel contenant un fragment gravé du Sūtra du Lotus, qui a été découvert lors des travaux d’excavation.
Près de ce tunnel se trouve la maison Shioda, propriété d’une famille qui gérait autrefois les mines d’argent d’Iwami Ginzan. Prenez le temps d’observer la magnifique grue à couronne rouge, sculptée sous l’avant-toit par un employé de la famille durant l’ère Taishō (1912-1926). Juste en bas de la butte, vous trouverez un entrepôt datant de la fin de la période d’Edo (1603-1867). Les murs et la première porte ont été réalisés en argile, afin d’assurer à ce bâtiment une bonne protection en cas de feu.
Plusieurs maisons qui sont construites face au port ont leur façade nord recouverte d’un mur de bambous, une mesure d’isolation et de protection contre le vent glacial d’hiver provenant de la mer. L’entrepôt Shiwakuya, qui date de la période d’Edo, appartenait autrefois à un riche marchand de sel. Aujourd’hui, il est ouvert au public et abrite une galerie d’art ainsi qu’un café.
La nature de Sagiura
Au fil des siècles, peu de choses ont changé dans les environs de Sagiura. Des collines boisées encerclent le village sur trois côtés. La promenade de Sagiura, qui débute sur le front de mer à l’ouest, fait 2,5 kilomètres de long à travers une flore qui accueille entre autres chevreuils et sangliers sauvages. Son chemin est jalonné d’arbres de tung, châtaigniers, fraises chinoises et camélias du Japon. Les randonneurs peuvent s’écarter du passage principal pour emprunter un chemin annexe, qui les mènera en contrebas à une crique idéale pour la baignade. Au terme de ce chemin de randonnée, qui débouche au sommet d’un cap à l’ouest, une vue sur la mer attend les promeneurs. Les falaises à pic de la côte, grottes marines et îlots déchiquetés de roches volcaniques forment un paysage impressionnant, qui fait partie du parc naturel national Daisen-Oki.
Les goélands à queue noire, qui migrent à Shimané pour la saison des amours, peuvent être observés perchés sur les jetées et brise-lames autour du port de Sagiura. Leur cri distinctif, ressemblant à un miaulement, est la raison pour laquelle ils sont appelés en japonais umineko, « chats de mer ». Un autre animal au chant particulier vit juste à côté, dans la rivière Yachiyogawa, laquelle se jette dans le port. Il s’agit de la grenouille kajika, dont le coassement emplit les nuits d’été et ressemblerait au brame du cerf sika mâle à la recherche de partenaires à l’automne. En effet, le nom de cette grenouille signifie « le cerf de rivière » et son joli chant est même le sujet de poèmes japonais waka.
La beauté théâtrale des paysages de Sagiura s’apprécie mieux depuis la mer. Certains pêcheurs locaux proposent des visites guidées des nombreuses grottes et falaises qui se trouvent au nord du port.
L’histoire de Sagiura
Sagiura est peuplé depuis longtemps. On retrouve cet endroit désigné sous le nom de « Sagihama » pour la première fois en 733, dans la compilation d’écrits régionaux Izumo no kuni fudoki. Le sanctuaire Inasehagi Jinja apparaît quant à lui dans le Nihon shoki, un recueil des plus anciens mythes du Japon compilé en 720.
Au second tiers de l’époque d’Edo (1603-1867), des vaisseaux marchands de Kyoto et Osaka parcouraient régulièrement la Mer du Japon. Grâce à son port idéalement situé, Sagiura prospérait, proposant commerce, hébergement et ancrage aux bateaux qui attendaient des vents favorables pour repartir. Les grossistes locaux organisaient également l’expédition de cargaisons depuis de lointaines régions à travers tout le pays. L’entreprise Shiwakuya, dont l’ancien entrepôt est à présent ouvert au public, a fait fortune dans l’acheminement de sel des îles Shiwaku, situées dans la mer intérieure de Seto.
Durant les ères Meiji (1868-1912) et Taishō (1912-1926), Sagiura est resté un port d’escale pour les vaisseaux marchands d’Osaka. Quand la prospérité du village atteint son pic vers 1888, un agent de transport maritime pouvait avoir à gérer les activités de plus de 100 bateaux par an.
L’exploitation du cuivre, encouragée par une modernisation rapide et une forte demande en ressources naturelles, permit l’implantation d’une nouvelle industrie dans la région. Pourtant, vers la fin des années 1920, la fermeture des mines et l’arrivée d’une compagnie de chemins de fer nationale qui réduisit considérablement le trafic maritime, sonnèrent la fin de l’essor du commerce de Sagiura. Aujourd’hui, la pêche a remplacé le transport maritime en tant qu’industrie principale.